Bébés génétiquement modifiés : un an plus tard

Il y a un an, l’annonce d’un chercheur chinois créait un émoi dont la communauté scientifique essaie encore de se remettre: la modification —présumée— des gènes dans un embryon humain avant la naissance. Si tout le monde semble aujourd’hui s’entendre sur l’urgence de se doter de balises internationales, c’est encore loin d’être fait. 


Un groupe de médecins, biologistes et éthiciens a créé en début d’année la Commission internationale sur l’usage clinique d’éditions de la lignée germinale du génome humain, sous l’égide de plusieurs associations nationales. Elle a tenu sa première rencontre en août à Washington et sa seconde la semaine dernière à Londres.  Son objectif est d’établir des lignes directrices sur l’usage de ces nouvelles technologies, lorsqu’utilisées sur des embryons.

L’Organisation mondiale de la santé avait déjà publié des recommandations en mars, dont celle de créer un registre internationale de toutes les expériences reliées à l’édition du génome. Or, il est temps que tout le monde parle d’une seule voix, lit-on dans un éditorial publié cette semaine par la revue Nature.

Il existe de réels risques que des cliniques sans supervision, proclamant être capables d’éliminer des maladies héréditaires, utilisent des procédures qui n’ont pas été testées… Une façon sûre de  leur donner le feu vert est une absence de normes internationales qui fassent consensus. Lorsque les deux groupes publieront leurs rapports l’an prochain, ils devront parler d’une seule voix.

L’éditorial note aussi l’absence, dans les deux groupes, de personnes pouvant parler au nom de patients porteurs de maladies héréditaires susceptibles d’être corrigées avant la naissance.

Qui plus est, ce n’est pas comme si l’annonce faite le 25 novembre 2018 par le généticien chinois He Jiankui —qui n’a jamais été validée par des observateurs indépendants, l’identité des deux bébés étant restée secrète— avait été une réelle surprise: cela faisait près de cinq ans qu’avec les avancées de la technologie CRISPR, certains tiraient la sonnette d’alarme: tôt ou tard, prévenaient-ils, quelqu’un ne se contenterait plus de faire des tests sur des cellules dans des éprouvettes ou sur des souris. 

Il faut noter qu'un an plus tard, on ignore non seulement l'identité des deux soeurs jumelles, mais rien n'a jamais été publié sur leur état de santé ou un suivi médical. He Jiankui n'est plus apparu en public depuis janvier. 

Pour l’heure, tout le monde s’entend sur le fait que l’efficacité de la technologie CRISPR est encore très loin d’être satisfaisante: le taux d’erreurs est trop élevé pour envisager des expériences sur des humains. Encore moins des changements dans les gènes d’un embryon susceptibles d’affecter non seulement sa vie entière, mais possiblement celle de ses descendants. L’urgence d’utiliser cette technologie est encore moins évidente quand on se rappelle que, d’ores et déjà, ce qu’on appelle le diagnostic pré-implantatoire —utilisé pour sélectionner quel embryon « implanter » dans les cas de fertilisation in vitro— a déjà fait ses preuves pour détecter beaucoup des maladies héréditaires les plus graves. 

Ces consensus, en plus de la condamnation internationale dont a été l’objet le chercheur He Jiankui, n’ont pourtant pas empêché le biologiste russe Denis Rebrikov, ces derniers mois, de faire parler de lui en prétendant être prêt à aller de l’avant. Même si sa crédibilité est douteuse, son discours est de nature à attirer l’attention de parents ou d’investisseurs prêts à prendre tous les risques.



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